Roland Guyot, Architecte mais pas que…

« On reste maître de l’œuvre et le client maître de l’ouvrage ! »

Interview de cet homme apprécié de tous, architecte basé à Nyon, Suisse, depuis 1973, avec plus de 300 affaires dont des expertises à son actif et qui continue à exercer passionnément à 80 ans (né juste 45 minutes avant Johnny Hallyday, comme disait souvent sa maman).

Pourquoi l’architecture ? Autrement dit, quel est votre parcours ?

C’est toute une histoire !

J’ai baigné dans le monde de la construction depuis l’enfance, mon père étant entrepreneur en bâtiment à Genève. Mais, au début de mes années collégiales, influencé par un professeur d’art qui s’enthousiasmait pour l’Égypte, je voulais devenir égyptologue ou journaliste.

Lors de l’été de mes 15 ans, en 1958, j’ai eu l’occasion de visiter le Barrage de Mauvoisin, dans le Val de Bagnes. Nous sommes descendus avec un blondin à une centaine de mètres de profondeur, où il faisait de plus en plus froid. En bas, cela grouillait de camions, comme une ville souterraine. De cette expérience est née une envie d’être ingénieur !

J’ai donc entrepris des études en Architecture/Génie civil à l’École technique supérieure de Genève (aujourd’hui HES).  Après les deux premières années communes d’ingénierie et d’architecture, il fallait se spécialiser dans l’une ou l’autre branche.

J’ai fini par choisir architecture... Probablement je trouvais que les copains qui choisissaient le génie civil n’étaient pas mes meilleurs copains !

Racontez-nous un peu vos premiers pas dans la profession…

Vers mes 20 ans, le diplôme en poche, j’ai passé 6 mois d’études à Florence pour me baigner dans la Renaissance italienne. Au retour, j’ai commencé à travailler avec un de mes beaux-frères, de 5 ans mon ainé, qui avait une entreprise de préfabrication en bois. On arrivait à construire une maison clefs en main en l’espace de quatre mois.  Comme c’était spectaculaire à ce moment-là, je me suis fait une réputation et l’entreprise genevoise est montée en puissance, avec environ 150 projets de maisons, dont une quinzaine de réalisations sur Genève et une vingtaine sur Vaud.  C’est l’origine de ma passion pour les préfabriqués, qui m’a suivi un peu tout au long de ma carrière.

 Des amis ingénieurs et architectes de Nyon m’ont sollicité pour participer à leur projet de UHT (unité d’habitation temporaire) pour l’Afrique. Je m’y suis joint en lançant une maison 100% en bois, pliable et facile à transporter : elle était construite chez nous et expédiée par bateau !

A partir de là, j’ai commencé ma carrière d’associé et d’indépendant.  Il y a eu : le BAU (Bureau d’Architecture et d’Urbanisme), à Nyon et à Rolle, et Dorik SA, entreprise spécialisée dans l’architecture d’intérieur et la décoration, qui deviendra par la suite BAUEX (Bureau d’architecture, urbanisme et expertise).

 

 Quel a été votre pire mandat ? Lequel vous a donné le plus de fil à retordre ?

Il n’y a pas forcément un mandat pire qu’un autre. C’est parfois la personnalité du maître d’ouvrage qui peut plomber l’ambiance et la confiance, et il devient moins agréable de travailler dans ces conditions.

Il est vrai que l’on peut qualifier certains mandats comme plus fastidieux, parce qu’ils demandent beaucoup de recherches et de connaissances. Deux exemples dans la région : la rénovation de l’Abbaye de Bonmont à Chéserex, un bâtiment de 1315, et aussi le Musée Romain, en plein centre de Nyon. 

Rénover des monuments historiques peut vite devenir compliqué et ralentir considérablement l’exécution des projets.  Ce sont des chantiers qui nécessitent une longue préparation en histoire de l’art et des recherches spécialisées pour découvrir les matériaux modernes qui permettront de préserver l’authenticité de l’ancien.  La réalisation elle-même est parsemée d’embûches, car il y a toujours des découvertes inespérées et de nouvelles expertises nécessaires. Pour nous, les architectes, cela se traduit souvent en l’impossibilité de mener le projet à bien comme on le désire…

Quel est votre meilleur souvenir ?

Difficile à choisir parmi 300 mandats…

Dans la région, un projet que j’ai bien aimé réaliser est celui de la salle polyvalente de la commune de Trélex.

Il s’est avéré que le projet qui a gagné le concours pour la rénovation de la salle était beaucoup trop onéreux pour la commune. Alors que je revenais d’un voyage au Japon, imprégné de leurs grands architectes comme Andō ou Kenzō Tange, on m’a proposé de présenter un projet budgété et j’ai obtenu le mandat.

Du coup, j’ai réalisé à Trélex un toit en forme de pagode avec des toitures éternit bleu (comme on en retrouve souvent au Japon).  C’est un énorme toit au milieu d’un petit village ! D’où le choix d’une couleur discrète, le bleu ciel, pour qu’il se fonde avec le ciel…

A l’intérieur, la scène rabattable dans une structure en bois très dynamique a fait jaser ! On m’a mis au défi de jouer confortablement sur cette scène. Et comme il ne faut pas me défier, on a créé une troupe par l’intermédiaire de l’épouse du syndic, la T.T.T. (Troupe de Théâtre de Trélex), et j’ai joué sur cette scène pendant plus de 6 ans !

Salle communale de Trélex, sa toiture en éternit bleu.

Quelles sont les qualités essentielles pour pratiquer votre métier ? Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui se lancent dans ce domaine ?

D’abord, savoir observer. Poser l’œil sur tout et avoir une mémoire visuelle. Ne pas passer à côté de quelque chose sans se l’imprimer dans une partie du cerveau, la garder dans un tiroir et l’avoir comme référence.

Ensuite, on a tous un maître.  Il peut s’agir, par exemple, de Andō ou Tange au Japon, Richard Neutra aux US ou, chez nous, Le Corbusier. Pour moi, Le Corbusier a été un peu mon maître, pas spécialement au point de vue des lignes mais surtout du caractère. Il avait une phrase qui me parle toujours : « L'architecture est le jeu savant correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière ».  Je trouve que cela résume tout !


Ici, nous n’avons fait que frôler les multiples facettes de ce personnage captivant qu’est Roland Guyot, trop discret pour admettre avoir été et être toujours le mentor d’autres, mais si riche en expériences et histoires que l’on ne se lasse pas de l’écouter.  Peut-être aurons-nous la possibilité d’aller au-delà de l’architecture dans une nouvelle entrevue !

Enfin, cette entrevue a révélé bien plus que ses réalisations architecturales; elle a dépeint un homme généreux en expériences, dont les moments partagés autour d'un café ou d'un verre de vin ont été des privilèges.

Puissent ses histoires continuer d'inspirer et de laisser une empreinte durable dans nos coeurs. 

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